Prof. James Costa (Université Sorbonne Nouvelle / Laboratoire Lacito, Paris) sera notre orateur invité

PRÉSENTATION:

Une sociolinguistique pour l’anthropocène ? (Ré)-hybridations langagières et naturelles

Dans le cadre de ce colloque qui nous invite à réfléchir aux processus de contacts, de transmission et de viralité, je souhaite proposer une réflexion en cours depuis quelques années déjà sur la constitution d’une sociolinguistique pour l’Anthropocène. Cette communication proposera ainsi un détour par la constitution des questionnements modernes sur le langage aux 17e et 18e siècles, pour suggérer qu’une urgence similaire est à l’œuvre aujourd’hui, nécessitant de poser de nouvelles questions. Si les questionnements modernes aboutirent à la séparation des sphères de la nature, de la société et du langage comme domaines autonomes de savoir et d’action, et si la société ainsi constituée n’est formée que d’humains, l’anthropocène nous force à repenser cette évidence. Ce sont en effet toute une foule d’êtres qui font leur réapparition au cœur de nos sociétés : animaux et végétaux dont la disparition met en péril notre propre survie sur Terre, rivières et montagnes qui acquièrent des droits de la Californie à la Nouvelle-Zélande, mais aussi virus dont les biologistes prédisent l’intensification des apparitions suite à la destruction des espaces encore sauvages.

Du point de vue des sciences du langage, on peut faire plusieurs remarques : 1. ce dont il est question dans cette résurgence anthropocénique, c’est d’un régime de communication interspécifique qui nécessite de repenser la notion de public constitutive de notre conception de la société depuis trois siècles (Gal et Woolard 2001). Or, ce régime communicationnel est encore balbutiant, et reste largement sous-problématisé. Il s’agira donc de s’interroger sur ce retour de l’hybride et son effet sur notre conceptualisation du langage et de son étude. 2. les idées modernes sur la langue, sur ce qui constitue une langue, sur son fonctionnement, dérivent très largement d’une pensée de la nature et de son étude. Une sociolinguistique de l’anthropocène peut-elle faire l’économie d’une réflexion sur les rapports du langage au monde, renouvelée par les connaissances actuelles en biologie et en sciences physique ? A travers ces questions, il s’agit (à défaut de proposer des solutions) de reproblématiser les phénomènes de contact, d’hybridation et de constitution de collectifs au 21e siècle au prisme d’une analyse sociolinguistique. Je proposerai quelques pistes de réflexion en me fondant sur mon travail sur les standards linguistiques et sur une tentative de terrain avortée en Provence, dont j’analyserai les raisons de l’échec.

Référence citée

Gal S. et K.A. Woolard, 2001 « Constructing Languages and Publics Authority and Representation ». in S. Gal et K. A. Woolard (dir.): Languages and Publics: The Making of Authority. 1‑12. Manchester, St Jerome Publishing.

BIO:

James Costa est professeur de sociolinguistique et anthropologie linguistique à l’Université Sorbonne Nouvelle à Paris, en France. Ses recherches portent principalement sur les langues minoritaires, la revitalisation des langues, le processus de standardisation de la langue et le lien entre nature, culture et langue. Dans son livre publié en 2017, «Revitalizing Language in Provence : A Critical Approach», Costa s’intéresse plus particulièrement à la revitalisation du provençal dans le sud de la France.