Semaine 2, notes supplémentaires

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LA LITTÉRATURE MÉDIÉVALE, Y COMPRIS LA POÉSIE

  • une littérature multiple: en versions multiples, préservée et transmise par des manuscrits qui diffèrent; une littérature écrite et orale; des littératures au pluriel, à public multiples, mélangeant les sources et le matériel
  • une littérature surtout orale, jouée, transmise par la performance, et interactive: qu’on écoute, qu’on discute, et où le travail d’analyse, d’interprétation, et de commentaire sont très importants
  • introduction et survol de la littérature médiévale française
  • comment définir cette littérature ?
    —images de manuscrits – le manuscrit, le codex, le « livre », l’anthologie, la compilation, le parchemin (vs. le papier, le tissu), le palimseste – rareté et coût des livres – instabilité du texte: copies, variantes, versions différentes
    formes et genres – continuités (ex. le comique, le burlesque) et modes (ex. le récit, la narration) – goûts de l’époque (« plus ça change, plus ça reste la même chose » ?) – buts et intentions multiples à cause d’un public divers, multiple, mélangé – mélange de formes littéraires
    —les développements et l’expérimentation : surtout l’idée–révolutionnaire à l’époque–d’une littérature en langue vernaculaire (= parlée, du peuple), ses liens à une culture francophone, et les liens entre langue, culture, et identité en Europe médiévale (du moins comme outil politique ; soulignons que ce n’est pas forcément le cas pour la vie de tous les jours, et soulignons aussi l’importance d’autres aspects culturels et d’identité trans-nationales tels le latin, la foi religieuse, les liens de parenté)
  • terminologie d’analyse littéraire : les vers/la prose – la narration – les deux sens du mot « histoire » – la trame narrative – le personnage – le poète, la voix narrative, l’auteur, l’écrivain – la description – l’action – le discous (direct, indirect, rapporté) – la focalisation et le point de vue – le sous-texte, les sous-entendus, les couches de lecture et de sens – l’intention
  • les genres : la poésie lyrique, la poésie spirituelle / religieuse, la prière, la complainte – la chanson – le lai – le conte, le dit, le récit – la nouvelle – la fable – le fabliau – le roman (en vers, en prose) – l’épopée – l’histoire, l’historiographie, les vies des saints (= hagiographie), les ouvragres didactiques (ex. miroirs de princes), les traités, les encyclopédies et autres textes « moins littéraires »
  • une littérature « littéraire » et écrite – et non-écrite – et les deux : la littérature orale,  l’orature littéraire, et l’orature purement oral; l’appréciation et la réception = lecture privée (peu), lecture en groupe, lecture à haute voix, récitation, performance basée sur / inspirée d’une version écrite. Mélange de l’écrit et de l’oral dans la composition d’un texte, sa transmission, et sa lecture. Peu de gens sont lettrés; et surtout peu de nobles (une des raisons pour la présence d’enluminures dans beaucoup de manuscrits…)
  • le public (= « audience ») / lectorat (« readership ») visé: aristocratique – du peuple/populaire – les hommes / les femmes / les enfants – rural/urbain/de la cour – la réception: à l’oral – la lecture publique / en groupes / individuelle et privée (et toute sorte de mélanges de ces éléments…)

ARRIÈRE-PLAN : MARIE DE FRANCE (ET LANVAL) DANS SON CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE

  • l’Angleterre de la fin XIIe, après la conquète normande (Guillaume le Bâtard / « the Conqueror », puis les Normands, les Plantagenêts / les Angevins).
  • Les langues en Angleterre:
    —le latin = langue officielle : l’église, la loi, le gouvernement, la politique, la diplomatie, les relations internationales … et la littérature, surrout la poésie et la prose des idées, les sciences, la philosophie, tout ce qui est pensée abstraite
    — + le français (variante anglo-normand) = la noblesse / l’aristocratie, la vie à la cour, éventuellement langue officielle (affaires d’état, mais pas l’église), la littérature : surtout la poésie lyrique et narrative, les nouvelles, le roman
    — + l’anglais (« Middle English » du 12e au 15e) = peu de textes de l’époque normande ; floraison au 14e, pendant la Guerre de Cent Ans, avec (entr’autres, par exemple) Geoffrey Chaucer
  • Les langues en France :
    —le latin = comme ci-dessus
    — + l’ancien français = la noblesse / l’aristocratie, la vie à la cour, éventuellement langue officielle (affaires d’état, mais pas l’église), la littérature : surtout la poésie lyrique et narrative, les nouvelles, le roman ; une langue qui est assez diverse (voire même : multiple ou koinè) avant le 13e s., qui devient plus unie vers le 14e (= le moyen français)

ARRIÈRE-ARRIÈRE-PLAN : LE MONDE LITTÉRAIRE MÉDIÉVAL EN FRANCE ET EN FRANÇAIS

1. Histoire brève jusqu’au 12e siècle… y compris les Francs (qui ne sont pas « français de souche » mais d’origine de ce qui est maintenant l’Allemagne et l’Europe de l’est) et la « franchise »—honnêteté—à la racine de la « francité. »

  • (cf. Wikipédia: histoire de la France médiévale, et de la langue française ; rois de France ; l’anglo-normand)
  • la féodalité, le système féodal, les vassaux (le vassal) – le devoir d’obéissance, de service, et de loyauté – en échange, la protection et l’aide
  • le roi / la reine = monarque absolu, de droit divin, détenant son pouvoir par la grâce de Dieu et directement de Dieu
  • la noblesse, l’aristocratie qui détient des terres et des titres directement du roi + transmission héréditaire – les barons / pairs – la petite noblesse, les seigneurs (vassaux des grands seigneurs dans une hiérarchie à plusieurs niveaux)
  • un système social et politique absolutiste, MAIS ni tyrannique ni arbitraire : réglé par des valeurs morales et de justice, où tout seigneur (du plus petit jusqu’au roi) est censé suivre le modèle du roi-juge, de l’autorité ultime : Dieu, en pensant surtout à son rôle au Jour du Jugement dernier (« WWJD »)
  • le rôle de l’Église: en France, comme ailleurs en Europe de l’Ouest–suite à la division de l’empire romain–pendant notre époque, cela veut dire l’église catholique. Une église qui est un pouvoir politique et militaire: Croisades (plusieurs: à partir de la fin du 11e s., surtout pendant le 12e et le 13e, et jusqu’au 16e), luttes contre l’hérésie (dont on reparlera dans la partie du cours sur la Renaissance)
  • = ce qu’on nommera après la Révolution (1789) : l’Ancien Régime

2. Les continuités: surtout pour la grande majorité de la population–conditions de vie, état de santé, la médecine, l’odontologie, l’alimentation. Les guerres. Les fléaux : la faim, les épidémies, la peste (la peste noire au milieu du 14e s., qui reviendra à plusieurs reprises). Bien au-delà du Moyen Âge: jusqu’au 18e s., et au 19e (Victor Hugo, Les Misérables ; Honoré de Balzac ; Émile Zola).

Une France jusqu’au 12e s. qui est surtout rurale, agricole, boisée. Économie: agriculture, chasse, pêche. Quelques villes: de taille modeste, surtout des ports (ex. Marseille, port très ancien) et des villes sur les grandes routes ou près des carrefours importants (fleuves, axes routiers, chemins de pèlerinage: ex. Lyon, Toulouse).

Une forte croissance urbaine en France: 12e – 13e s. Une population urbaine qui devient plus importante : marchands, artisans, ouvriers, maçons, bâtisseurs, menuisiers (et autres gens travaillant dans la construction), forgerons, boulangers, cuisiniers, tisserands, domestiques, petits boulots, etc.

D’un côté plus positif, plus ça change, plus c’est la même chose:

  • les histoires d’amour (stéréotype de la littérature française)
  • la vie et la mort
  • les goûts du public : la violence et les vies des saints (hagiographie) ; les batailles et le joutes, et les grandes sagas (chanson de geste, épopée) ; Schadenfreude
  • rire
  • la poésie, la chanson, le besoin de raconter des histoires, de s’évader
  • les marchands, le commerce, et la transmission et circulation d’histoires, de contes, de chansons avec eux ; et aussi par les croisés et les pèlerins (pensez au Canterbury Tales de Chaucer).

3. « Une » vs. « des » littératures:

  • genres, formes, niveaux du discours et du public visé (aristocratique/populaire: aussi, les marchands).
  • un mélange et un va-et-vient oral/lu/récité, des mélange religieux/sacré + profane, des double-entendres, voire même des multi-entendres: c’est une littérature qui ne conforme pas au stéréotypes du médiéval (très Catholique, orthodoxe, intolérant, barbare, manquant de sophistication et d’élégance, etc.)
  • qui lit? Tout le  monde, partout, et dans tous les sens (visuel, oral): cathédrales, vitraux, théâtre, conteurs, troubadours, ménestrels, jongleurs… cour, rue, marché, église

4. L’environnement, le milieu de cette littérature:

  • la cour, les châteaux, les jardins clos
  • « La » cour vs. « les » cours: le roi et les autres nobles—les cours de justice
  • la cour, faire la cour, la courtoisie, courtiser (et… le courtisan, la courtisane, le courtier… ): le droit et la justice, la bonne conduite—l’éthique/l’étiquette—le jeu: jeux de séduction et de manipulation, des jeux ayant des règles
  • la ville et les marchands: une urbanisation qui commence (en France) surtout au 12e s., croissance urbaine au 13e c.

5. Qui écrit/compose cette littérature? Qui est lettré dans cette culture?

  • Peu de monde ; le clergé (les religieux = les moines, les nonnes ; les prêtres) – les universitaires – quelques écrivains professionnels (souvent—mais pas exclusivement—des nobles : de la petite noblesse des gentilshommes jusqu’aux princes & rois)
  • Les livres, leur fabrication, les mécènes, l’anonymat, la figure de l’auteur (+ la semaine prochaine)
  • Notez que les nobles sont souvent (plus ou moins) analphabètes : l’éducation et le savoir ne s’associent pas de nécessité à la richesse, le pouvoir politique, et la bonne naissance

6. Buts de cette littérature

  • le plaisir, le divertissement, les loisirs
  • la propagande, le contrôle social, le renforcement du pouvoir politique. La légitimation du régime : cf. les Trois Matières:
    • la Matière de France / Charlemagne en France, et la royauté française : ex. la Chanson de Roland
    • la Matière de Rome surtout en Angleterre, ex. Wace, le Roman de Brut : les rois anglo-normands qui se veulent descendants des Troiens (Brutus)
    • la Matière de Bretagne surtout en Angleterre au 12e s. De nouveau, pour légitimiser les rois anglo-normands, qui se veulent héritiers d’une lignée plus ancienne et de plus longue appartenance à ce territoire géographique (Arthur et un mythique et une pré-histoire « celte ») que celle du régime précédent (les anglo-saxons), avec un atout supplémentaire : une continuation ou une renaissance de l’Empire romain. En France aussi—transmise par les mariages politiques : ex. Aliénore d’Aquitaine et ses filles et petites-filles, entre la 2e moitié du 12e et le début du 13e s.
  • le savoir : sa protection, conservation, et continuation – une littérature qui comprend aussi la traduction (aux sens strict et large), les versions, le remaniement, la réécriture, le « renouvellement » (par exemple, dans la « nouvelle » elle-même)
  •  l’éducation:
    • la littérature didactique et pédagogique, le bon comportement (ex. l’hagiographie, les miroirs des princes)
    • l’éducation par la discussion, le débat, l’analyse, l’interprétation y compris la littérature ludique : jeux, jeux-partis, débats, énigmes, onéirographie et onéiorocritique