Notes de cours 2
→ Introduction au monde médiéval et au monde de Marie de France via « Lanval »
→ Lecture à faire : Marie de France, Le Lai de Lanval : JUSTE l’histoire de Lanval, la version en français moderne sur les pages de droite. Je ferai référence au texte dans le cours de mercredi, et on travaillera dessus de façon intensive vendredi.
Vous aurez ce genre de notes de cours—dans un nouveau billet—chaque semaine. Il y aura toujours du matériel de base (surtout du vocabulaire et des idées), ainsi que des notes supplémentaires contextuelles.
Une chose à souligner : comme c’est un cours d’analyse textuelle, vous n’êtes ABSOLUMENT PAS DU TOUT censés apprendre tout le matériel historique que je vous donnerai : je vous le donne afin qu’il vous sert de support contextuel, au cas où cela vous aide dans la compréhension de ces textes qui peuvent paraître étranges–c’est tout !
oOo
Mouvement du cours: en « zoom »–partant du panoramique, allant vers le gros plan, les détails précis et minutieux, à la loupe.
Dans le travail d’analyse textuelle cette semaine:
- la forme: typologie (prose/vers, genres littéraires) – les mots, le lexique (l’analyse lexicale, les champs lexicaux) – la grammaire, la syntaxe – les effets « littéraires » et la poétique
- le fonds: le contenu – le sens, la sémantique – les effets « littéraires » et la rhétorique
- les niveaux d’analyse, la cour de justice, et la critique littéraire
I. L’ESSENTIEL À RETENIR :
- à quoi ça ressemble, un texte médiéval?
- les manuscrits
- une littérature multiple: en versions multiples, préservée et transmise par des manuscrits qui diffèrent; une littérature écrite et orale; des littératures au pluriel, à public multiples, mélangeant les sources et le matériel (on en reparlera en utilisant le cas spécifique de Lanval)
- une littérature surtout orale, jouée, transmise par la performance, et interactive: qu’on écoute, qu’on discute, et où le travail d’analyse, d’interprétation, et de commentaire sont très importants
- pendant ce cours, vous avez vécu / survécu à une performance sur le vif = un cours magistral comme « method medievalism » (= comme le « method acting »)
VOCABULAIRE, CONCEPTS
(qui pourraient vous être utils dans vos travaux écrits)
- introduction et survol de la littérature médiévale française
- c’est quoi cette littérature ?
—images de manuscrits – le manuscrit, le codex, le « livre », l’anthologie, la compilation, le parchemin (vs. le papier, le tissu), le palimseste – rareté et coût des livres – instabilité du texte: copies, variantes, versions différentes
—formes et genres – continuités (ex. le comique, le burlesque) et modes (ex. le récit, la narration) – goûts de l’époque (« plus ça change, plus ça reste la même chose » ?) – buts et intentions multiples à cause d’un public divers, multiple, mélangé – mélange de formes littéraires
—les développements et l’expérimentation : surtout l’idée–révolutionnaire à l’époque–d’une littérature en langue vernaculaire (= parlée, du peuple), ses liens à une culture francophone, et les liens entre langue, culture, et identité en Europe médiévale (du moins comme outil politique ; soulignons que ce n’est pas forcément le cas pour la vie de tous les jours, et soulignons aussi l’importance d’autres aspects culturels et d’identité trans-nationales tels le latin, la foi religieuse, les liens de parenté) - outils d’analyse littéraire (on y reviendra): les vers/la prose – la narration – les deux sens du mot « histoire » – la trame narrative – le personnage – le poète, la voix narrative, l’auteur, l’écrivain – la description – l’action – le discous (direct, indirect, rapporté) – la focalisation et le point de vue – le sous-texte, les sous-entendus, les couches de lecture et de sens – l’intention
- les genres (on y reviendra): la poésie lyrique – la chanson – le lai – le conte, le dit, le récit – la nouvelle – la fable – le fabliau – le roman (en vers, en prose) – l’épopée – l’histoire, l’historiographie, les vies des saints (= hagiographie), les ouvragres didactiques (ex. miroirs de princes), les traités, les encyclopédies et autres textes « moins littéraires »
- une littérature « littéraire » et écrite – et non-écrite – et les deux : la littérature orale, l’orature littéraire, et l’orature purement oral; l’appréciation et la réception = lecture privée (peu), lecture en groupe, lecture à haute voix, récitation, performance basée sur / inspirée d’une version écrite. Mélange de l’écrit et de l’oral dans la composition d’un texte, sa transmission, et sa lecture. Peu de gens sont lettrés; et surtout peu de nobles (une des raisons pour la présence d’enluminures dans beaucoup de manuscrits…)
- le public (= « audience ») / lectorat (« readership ») visé: aristocratique – du peuple/populaire – les hommes / les femmes / les enfants – rural/urbain/de la cour – la réception: à l’oral – la lecture publique / en groupes / individuelle et privée (et toute sorte de mélanges de ces éléments…)
- « français »: l’utilisation de la langue vernaculaire (= pas le Latin) – la traduction, la version, le remaniement (« refashioning ») – la fusion, l’hybridité (et les monstres chez Marie de France)
- Marie de France (et Lanval ) dans son contexte historique et politique: l’Angleterre de la fin XIIe, après la conquète normande (Guillaume le Bâtard / « the Conqueror », puis les Normands, les Plantagenêts / les Angevins).
- Les langues en Angleterre:
—le latin = langue officielle: l’église, la loi, le gouvernement, la politique, la diplomatie… et la littérature, surrout la poésie et la prose des idées, les sciences, la philosophie, tout ce qui est pensée abstraite
— + le français = la noblesse / l’aristocratie, la vie à la cour, éventuellement langue officielle (affaires d’état, mais pas l’église), la littérature: surtout la poésie lyrique et narrative, les nouvelles, le roman
— + l’anglais (« Middle English » du 12e au 15e) = peu de textes de l’époque normande ; floraison au 14e, pendant la Guerre de Cent Ans, avec (entr’autres, par exemple) Geoffrey Chaucer
II: cours magistral traditionnel
- L’ESSENTIEL À RETENIR DU COURS : les notes du cours (PDF) (2012)
- à discuter / y réfléchir (question ouverte): littérature et oralité – ce texte est-il vraiment très étrange et médiéval ? étrange et en dehors du temps ? pas si bizarre ?
- comment se préparer pour le prochain cours : soyez présents et ayez Lanval avec vous
III: atelier d’analyse sur Lanval
- voir plus bas…
- comment se préparer pour le cours :
lisez Lanval (plusieurs fois) et apportez-le avec vous
et relisez Lanval surtout en recherchant tout ce qui est ÉTRANGE
oOo
BILAN, NOTES DE BASE, VOCABULAIRE, CONCEPTS: LE MONDE LITTÉRAIRE MÉDIÉVAL EN FRANCE ET EN FRANÇAIS
1. Histoire brève jusqu’au 12e siècle… y compris les Francs (qui sont allemands) et la « franchise »–honnêteté–à la racine de la « francité. »
- (cf. Wikipédia: histoire de la France médiévale, et de la langue française; rois de France; l’anglo-normand)
- la féodalité, le système féodal, les vassaux (le vassal)
- le roi: monarque absolu, détenant son pouvoir par la grâce de Dieu
- la noblesse, l’aristocratie
- le rôle de l’Église: en France, comme ailleurs en Europe de l’Ouest–suite à la division de l’empire romain–pendant notre époque, cela veut dire l’église catholique. Une église qui est un pouvoir politique et militaire: Croisades (plusieurs: à partir de la fin du 11e s., surtout pendant le 12e et le 13e, et jusqu’au 16e), luttes contre l’hérésie (dont on reparlera dans la partie du cours sur la Renaissance)
2. Les continuités: surtout pour la grande majorité de la population–conditions de vie, état de santé, la médecine, l’odontologie, l’alimentation. Bien au-delà du Moyen Âge: jusqu’au 18e s., et au 19e (Victor Hugo, Les Misérables; Émile Zola).
Une France jusqu’au 12e s. qui est surtout rurale, agricole, boisée. Économie: agriculture, chasse, pêche. Quelques villes: de taille modeste, surtout des ports (ex. Marseille, port très ancien) et des villes sur les grandes routes ou près des carrefours importants (fleuves, routes de pèlerinage: ex. Lyon, Toulouse). Croissance urbaine en France: 13e s.
D’un côté plus positif, plus ça change, plus c’est la même chose:
- les histoires d’amour (stéréotype de la littérature française)
- la vie et la mort
- le goût du public: la violence et les vies des saints (hagiographie); les batailles et le joutes, et les grandes sagas (chanson de geste, littérature épique)
- la poésie (surtout lyrique–on en parlera la semaine prochaine), la chanson, le besoin de raconter des histoires, de s’évader
- les marchands, le commerce, et la transmission et circulation d’histoires, de contes, de chansons avec eux; et aussi par les pèlerins (pensez au Canterbury Tales de Chaucer).
3. « Une » vs. « des » littératures:
- genres, formes, niveaux du discours et du public visé (aristocratique/populaire: aussi, les marchands).
- un mélange et un va-et-vient oral/lu/récité, des mélange religieux/sacré + profane, des double-entendres, voire même des multi-entendres: c’est une littérature qui ne conforme pas au stéréotypes du médiéval (très Catholique, orthodoxe, intolérant, barbare, manquant de sophistication et d’élégance, etc.)
- qui lit? Tout le monde, partout, et dans tous les sens (visuel, oral): cathédrales, vitraux, théâtre, conteurs, troubadours, ménestrels, jongleurs… cour, rue, marché, église
4. L’environnement, le milieu de cette littérature:
- la cour, les châteaux, les jardins clos (jeudi: images de ceux-ci)
- « La » cour vs. « les » cours: le roi et les autres nobles–les cours de justice
- la cour, faire la cour, la courtoisie, courtiser (et… le courtisan, la courtisane, le courtier… ): le droit et la justice, la bonne conduite–l’éthique/l’étiquette–le jeu: jeux de séduction et de manipulation, des jeux ayant des règles
- (la semaine prochaine–semaine 3: je vous présente l’idée ici…) la ville et les marchands: une urbanisation qui commence (en France) surtout au 12e s., croissance urbaine au 13e c.
5. Qui écrit/compose cette littérature? Qui est lettré dans cette culture?
- Peu de monde; le clergé (les religieux = les moines, les nonnes; les prêtres); les universitaires + (la semaine prochaine)
- Les livres, leur fabrication, les mécènes, l’anonymat, la figure de l’auteur (+ la semaine prochaine)
- Notez que les nobles sont souvent (plus ou moins) analphabètes: l’éducation ne vas pas de nécessité avec la richesse et la bonne naissance. On en reparlera à propos de Rutebeuf et Villon (on en reparlera dans les semaines à venir).
- Cette semaine: une petite histoire comme introduction au monde intellectuel: Abélard et Héloïse (cf. aussi: l’amour). De nouveau: le monde médiéval n’est pas barbare…
6. Buts de cette littérature:
- le plaisir, le divertissement
- la propagande, le contrôle social, le renforcement du pouvoir politique. La légitimation du régime: cf. les Trois Matières:
- la Matière de France / Charlemagne en France, et la royauté française: ex. la Chanson de Roland
- la Matière de Rome surtout en Angleterre, ex. Wace, le Roman de Brut: les rois anglo-normands descendants des Troiens
- la Matière de Bretagne surtout en Angleterre au 12e s., puis en France aussi–transmission par les mariages politiques: Arthur et Cie.
- l’éducation:
- la littérature didactique et pédagogique, le bon comportement (ex. l’hagiographie, les miroirs des princes)
- l’éducation par la discussion, le débat, l’analyse, l’interprétation (y compris la littérature ludique: jeux, jeux-partis, débats, énigmes, onéirographie et onéiorocritique)
LE DERNIER COURS DE LA SEMAINE
1. A rechercher dans le texte:
- le mystérieux/merveilleux (et atemporel, irréel)
- le médiéval (spécificité culturelle, historique, locale, voire même stylistique du poète).
- le lexique: recherche et analyse lexicale ( = vocabulaire)
- mot à mot, en construisant les éléments du commentaire à partir de notes (voir image ci-dessus ↑)
- des éléments qui vous sautent à l’œil: l’insolite, l’étrange, les besoins d’explication, l’ambiguïté
- la sémantique:
- bien extraire les FAITS et DITS et les séparer de l’interprétation et du hors-texte. La citation, et l’utilisation du texte comme appui. Le droit et la justice: construire votre dossier, l’appui des preuves, le bon usage des évidences. Vous êtes les juges et les critiques dans la « cour » de ce « cours » (un peu plus à propos de la « critique » en bas de page).
- le sens et les sens: la dénotation et la connotation–les associations, les allusions, les inférences, les explications et les conséquents, les usages anormaux p. ex. « poétiques. »
- ce qu’on sait vs. ce qu’on peut lire en sous-texte, entre les lignes vs. ce qu’on peut en déduire vs. ce qu’on ne sait pas:
- le texte et le sous-texte
- l’ambiguïté et le silence qui peuvent révéler, les silences et les structures négatives (« je ne sais pas… » v. 485-86)
- les limites de l’interprétation (Umberto Eco)
3. Les sons, la rime, le rhythme–lire à haute voix–la versification de base:
- la poésie vs. la prose (Molière, Le Bourgeois gentilhomme)
- les vers (le vers vs. la ligne)
- les syllabes: poésie narrative (vs. lyrique, qu’on verra la semaine prochaine) en vers octosyllabiques / en octosyllabes
- la rime
- le dessin (pattern) des sons: les répétitions (comme on a fait avec le lexique et la thématique: ex. la multitude de chevaliers)
IDÉES-CLÉS: LIEUX, ESPACES, ENVIRONNEMENT: LA COUR–LES CHATEAUX–LES JARDINS–ARCHITECTURE ROMANE, LES FORMES CARREES–LE DROIT ET LA JUSTICE…
… ET L’ANALYSE ET LA CRITIQUE
Liées au jugement: qui doit être équilibré (le bien vs. le mal). Vous mettez vos évidences et vos arguments/vos explications/votre raisonnement dans les plateaux de la balance de la justice, et puis vous les pesez. Notons surtout, depuis la fameuse Wikipédia:
La balance nécessitant l’utilisation de poids, elle obligea à réglementer le pesage avec le plus grand soin.
Voici l’étymologie de base (c/o Project Perseus):
Si vous avez apprécié Lanval… :
- Performing Medieval Narrative Today. Vous y retrouverez un autre lai de Marie de France: Laüstic; ainsi que d’autres textes en ancien français (résultats d’une recherche sur le site ici)
- L’autre lai arthurien de Marie de France: Chievrefoil
- Marie de France, les Lais
- Chrétien de Troies, les romans arthuriens (Erec et Enide, Cligès, Lancelot ou le Chevalier de la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion, Perceval ou le Conte du Graal)
- Tristan et Iseult: versions françaises du 12e s. (Béroul, Thomas, et « anon »)
- Mélusine (extrait à la fin de votre volume: c’est la version de Jean d’Arras)
- Mélusine: la version de Jean d’Arras (fin 14e), et celle de Coudrette (début du 15e s.)