À la recherche d’un ourson qui boit

Devant mes yeux s’étend un véritable festin regorgeant de plats alléchants et appétissants — pour n’en nommer que trois, une tarte dorée parfaitement ronde saupoudrée de chocolat très finement moulu, une soupe crémeuse garnie de persil et d’oignons caramélisés et une tasse élégante de thé au jasmin.

Puis je cligne des yeux et le tableau imaginaire se volatilise en un clin d’œil. C’est un retour à la réalité: je suis toujours sous le soleil de plomb, loin des arbres qui me protégeraient de cette chaleur impitoyable. Je continue à suivre mes amies, qui se dirigent vers un restaurant considéré comme l’un des meilleurs de la ville.

L’ourson qui boit — un nom qui pique la curiosité — est situé au nord de la ville et j’ai du plus en plus mal à reconnaître les noms écrits sur les plaques de rue devant lesquelles nous passons. Nous découvrons sur le trottoir d’une des rues un bouquet détruit de roses rouge cramoisi, dont les pétales déchirés sont éparpillés comme les morceaux d’un cœur brisé. « Quelqu’un a sans aucune doute été plaqué ici », fait observer l’une entre nous.

Laissant cette scène triste derrière nous, nous apercevons enfin le restaurant au rez-de-chaussée d’un bâtiment peu mémorable. Une serveuse japonaise, habillée de manière élégante, nous accueille au seuil du restaurant. Elle nous informe qu’il n’y a plus de tables non réservées aujourd’hui. Ni demain. Ni dans une semaine. Nous aurions dû réserver une table trois semaines auparavant.

Déçues, nous partons à la recherche d’un autre restaurant. De l’autre côté du Pont Morand, c’est le 6e arrondissement où se trouve l’appartement dans lequel j’habite avec ma famille d’accueil, alors nous décidons d’explorer ce quartier. Bien que je parcoure ces rues pendant ma promenade quotidienne pour me rendre à l’université, je ne connais malheureusement pas bien les établissements commerciaux qui se trouvent tout le long des rues. Seul un vide-grenier réussit à attirer notre attention, mais les jouets aux couleurs délavées et les vêtements enfantins ont l’air des vestiges d’une enfance dont les souvenirs s’effacent lentement.

Nous nous remettons à flâner dans les rues. Nous bavardons pour éviter de penser aux huit kilomètres que nous avons déjà parcourus sans avoir trouvé un restaurant qui nous convient. Je regrette d’avoir sauté mon petit déjeuner.

L’une de mes amies se souvient soudainement d’un restaurant japonais à deux pas de chez elle. Il nous faudrait cependant une trentaine de minutes de plus pour nous y rendre et la cuisine japonaise en France est en général trop chère. Le sushi onirique de Vancouver, à huit mille kilomètres d’où nous sommes, nous manque terriblement.

Enfin, au bout de presque trois heures, nous repérons un restaurant de fruits de mer. Épuisées et affamées, nous décidons sans hésiter de déjeuner dans ce restaurant. À l’intérieur, nous nous asseyons autour d’une grande table et nous buvons à petites gorgées l’eau froide et rafraîchissante.

Un moment plus tard, comme une source argentée qui jaillit tout à coup des rochers, une seule voix brise le silence qui descend tranquillement sur la table :  

« Où souhaitons-nous dîner demain soir ? »

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