Lentilles 3

enregistrement

Alors, pour abréger un peu cette histoire de lentilles, je dirai ceci: c’est que du mois de mars nous passons au mois de juin. Ah, au mois de juin, fin juin, chez nous, la nature n’est plus aussi verte, hein? Elle est devenue jaune. L’herbe est littéralement brûlée par le soleil, le soleil du midi, le soleil méditerranéen, le soleil ardent des fortes chaleurs. Mais ces lentilles, mon père ne les avait pas semées pour rien. Il fallait les récolter et, m’a-t-il dit: «Comme tu sais où est l’endroit, maintenant, tu les as désherbées à peu près correctement, la récolte s’annonce bonne, eh bien maintenant il faut aller les récolter». Et après m’avoir donné bien des conseils, me voici de nouveau dans mon champs de lentilles, non plus pour le désherber mais pour en déterrer les plants, et je commence à tirer sur un plant et sur un autre, et toujours cette impression de vastitude car le travail n’en finissait jamais, et toujours ce sempiternel et impertinent cuacualé cuacualé cuacualé dans mon dos. Bref, après ⍽ avoir déterré chaque plant de lentilles sèches (j’ai remarqué, ces lentilles, elles étaient belles, larges, pondéreuses à souhait, j’étais assez content de moi), j’ai mis le tout dans un vaste linceul, j’en ai attaché les quatre bouts et puis il fallait accomplir maintenant la mission terminale: se mettre ce linceul sur son dos, et hue dia! en avant! direction: la maison, avec mon chargement de lentilles. C’était à la fois lourd et léger: lourd, parce que c’était encombrant, léger, parce que je me disais: «Quelle force tu as, dis donc, à douze ans, pour transporter toute ta récolte de lentilles sur le dos! C’est quand même extraordinaire, à ton âge!» Je commençais à devenir, sans le savoir, un petit peu adulte. Bref, en arrivant devant la maison, les quolibets commencent à pleuvoir: «Hé, dis donc, tu fais le bohémien maintenant? Tu déménages? Salut, petit âne! Tu es bien chargé pour ton âge!» Les avatars, je ne pensais pas qu’il pouvait ⍽ y en avoir autant: d’abord un âne, ensuite un bohémien et, pour finir, un véritable tzigane. Ne me manquait que le violon.

Lent. 4

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